Pr. Khalifa Chater

L'économiste maghrébin, du 25 aout au 8 septembre 2020

 

Le conflit Iran/USA : Le Président Trump réactive  le conflit des Etats-Unis avec l’Iran. La reprise par l’Iran de son programme nucléaire, au cours des années 2000, qui a été l’objet d’une coopération entre l'État impérial d'Iran et les États-Unis, dans les années 1970, suscite l’opposition  de l’occident. Les tensions, qui culminent sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, instaurent une conjoncture conflictuelle, animée par les USA.  L’accord de Vienne  signé entre les pays du groupe « P 5+1 » (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), le 14 juillet 2015, prévoit la levée progressives des sanctions qui pèsent sur l’Iran. En contrepartie, l’Iran s’engage à effectuer une réduction du nombre de ses centrifugeuses, à limiter ainsi sa production de plutonium et l’enrichissement d’uranium et à accepter le renforcement des inspections internationales.  Au terme de cet accord, les relations étaient appelées à s’améliorer entre les USA et l’Iran.

 Aussitôt arrivé au pouvoir, le président Trump annonça, que les États-Unis se retirent de cet accord. On revint à la case de départ. Le président Donald Trump remet à l’ordre du jour les relations conflictuelles des USA avec l’Iran. Les Etats-Unis avaient opté, depuis longtemps, pour une guerre indirecte, par l’entremise de leurs alliés des pays du Golf et essentiellement l’Arabie Saoudite et les Emirats. L’instrumentalisation de la démarcation sunnite et chiite, leur permit de transgresser la coexistence d’antan et d’instituer une conjoncture conflictuelle.

Or, les USA veulent un retour imminent aux sanctions de l'Onu contre l'Iran. Lors d'un vote au Conseil de sécurité des Nations unies, la Russie et la Chine, alliées de Téhéran, ont opposé leur veto à une proposition américaine visant à prolonger l'embargo sur les ventes d'armes à l'Iran. Onze pays membres, parmi lesquels la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, se sont abstenus tandis que la République dominicaine a été la seule - avec les Etats-Unis - à voter en faveur du texte.  Réaction immédiate des USA, Ils annoncent leur intention d'activer le “ snapback’’ : un mécanisme intégré à l'accord de 2015, permettant un retour automatique au régime de sanctions internationales contre Téhéran qui prévalaient auparavant. Or, les USA sont désormais isolées. Les Européens sont hostiles à la reprise des sanctions, alors que les alliés du Golfe ne sont plus favorables à l’escalade.

Turquie, au-delà du néo-ottomanisme : Exerçant le titre de calife et de gardien des lieues saints, le sultan ottoman dominaient, jusqu’à la fin de la première guerre mondiale,  le Moyen-Orient. Donne nouvelle, la nouvelle politique turque est confirmée par l’adhésion du président Erdogan à l’islam politique et l’instrumentalisation de cette idéologie pour faire valoir ses volontés, à travers divers mécanismes : guerre en Syrie, interventions déclarée et soutien de la mouvance islamique Fejr Lybia et conflit avec le régime anti-islamique du général Sissi, en Egypte. La signature, le 27 novembre 2019, d’un  protocole "de coopération militaire et sécuritaire" entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le chef du Gouvernement libyen d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, lors d’une rencontre à Istanbul, affecte l’ordre libyen et maghrébin. Il affecte, bien entendu, l’aire méditerranéenne, puisque la Turquie y élargit ses marges de manœuvres, aux dépens de la Grèce et de Chypre.

Les tensions entre la Grèce et la Turquie au sujet de leurs eaux territoriales ne sont pas nouvelles. Ankara convoite une immense zone économique où se trouvent des îles grecques, et conteste la délimitation de ses eaux territoriales. Le pays n'a d'ailleurs jamais signé la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui définit juridiquement les différents espaces maritimes.  Or, la découverte ces dernières années de vastes gisements gaziers en Méditerranée orientale a aiguisé l'appétit des pays riverains et renforcé les tensions entre la Turquie et la Grèce, deux pays voisins aux relations régulièrement ponctuées de crises.

Dans ce contexte, Ankara a envoyé le 10 aout,  le navire turc de recherche sismique "Oruç Reis", escorté par des bâtiments militaires, dans la zone riche en gisements gaziers revendiquée par Athènes. La tension est encore montée d'un cran dernièrement. Au lendemain du déploiement par la France de navires et d'avions de guerre (Rafale) en Méditerranée orientale pour afficher son appui à Athènes. La Turquie dénonça la démonstration de force de la France en Méditerranée orientale. Elle accuse la France de se comporter “en caïd” en Méditerranée.

Depuis le début de cette crise, la Turquie souffle le chaud et le froid, alternant entre messages de fermeté et appels au dialogue. Dans un effort de médiation, la chancelière allemande Angela Merkel s'est entretenue jeudi 13 aout, avec le chef de l'Etat turc et le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis. Le président Erdogan a déclaré qu'il avait affirmé à la chancelière allemande que le navire sismique continuerait ses recherches jusqu'au 23 août, ajoutant toutefois avoir accepté des discussions après cette date pour "adoucir les choses". Ankara avait déjà annoncé la semaine dernière avoir suspendu ses recherches gazières à la demande de Berlin, avant de les reprendre quelques jours plus tard en accusant Athènes de ne pas "tenir ses promesses". Ce climat de tensions, pourrait justifier des risques d’affrontement. L’Otan pourrait-il supporter ces relations conflictuelles entre trois de ses membres ?

Egypte/Ethiopie un risque de guerre ? : “L’Egypte  est un don du Nil ’’. Peut-on occulter cette vérité enseignée dans tous les établissements scolaires ? Or le gigantesque ouvrage  Nahdha que l’Ethiopie est en train de construire suscite des inquiétudes. L’Egypte craint que la construction du grand barrage de la Renaissance, un projet de 4 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros) entamé en 2012 par l’Ethiopie, n’entraîne une réduction du débit du Nil, dont elle dépend à 90 % pour son approvisionnement en eau. La tension monte entre l’Egypte et l’Ethiopie à propos de ce gigantesque ouvrage qui devrait commencer à produire de l’électricité d’ici à la fin 2020 et serait complètement opérationnel d’ici à 2022. Or, les discussions entre ces deux pays et avec le Soudan, par lequel passe aussi le fleuve, sont bloquées depuis neuf ans. Début octobre, des négociations à Khartoum avaient abouti à une « impasse », selon Le Caire, qui cherche depuis à obtenir une médiation internationale, une perspective rejetée par la diplomatie éthiopienne qui la qualifie de « déni injustifié des progrès » réalisés pendant les négociations. Addis Abeba estime que le Grand barrage de la Renaissance est essentiel à son développement économique et à son électrification, tandis que Khartoum et Le Caire craignent que le futur plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique, haut de 145 mètres, ne restreigne leur accès à l’eau. Or, “ Il est important d’arriver à un accord qui garantisse les droits et les intérêts des trois pays selon l’accord de principe qu’ils ont signé en mars 2015’, ’considèrent le Soudan et l’Égypte. Ils insistent sur le fait que « les trois pays doivent être engagés par un accord qui doit inclure un mécanisme pour résoudre les disputes qui pourraient surgir » entre eux. Jusqu’à présent Adis Abeba refuse, considérant que la construction du barrage dépend de sa souveraineté. En l’absence d’une médiation internationale déterminante, ce conflit constituerait un risque de guerre, la question étant vitale pour les trois pays. Ce qui pose le problème des rapports de forces et des jeux politiques régionaux et internationaux.