La gouvernance tunisienne à l’épreuve …!

Pr. Khalifa Chater

L'économiste maghrébin, du 11 au 26 décembre 2019

 

“Avant, le Gouvernement allait dans le mur, maintenant il klaxonne”, ainsi définit un observateur la gouvernance dus ministère  sortant. La désillusion gagna l’utopie révolutionnaire ou du moins la réalisation des attentes minimales. Les effets cumulatifs  de la gestion du gouvernement sortant auraient suscité une insatisfaction générale.

1 -  Le gouvernement sortant a affirmé la priorité de sa lutte contre la corruption. Mais cette stratégie, qui  n’a pas été engagée de fait, n’a pas arrêté le développement de la corruption. Il  s’agissait donc d’un simple fait d’annonce, selon les observateurs. 

2 – Le  dossier économique devrait être la pierre angulaire de la politique du prochain gouvernement. En fait, les réponses apportées par le gouvernement sortant, ainsi que les gouvernements précédents,  n’ont pas été en mesure d’apporter des solutions appropriées à  la crise économique. Le prochain gouvernement aura affaire à un lourd héritage économique, ce qui réduira sa marge de manœuvre. Il devra se pencher, dès sa formation, sur le traitement des problèmes économiques.

3 – La balance commerciale reste déficitaire, en dépit du développement de l’exportation de l’huile et des dattes. Outre les effets des  relations asymétriques avec l’union européenne, le gouvernement à permis, par choix idéologique l’importation des tissus, de l’eau minérale, des produits agricoles et même les glibets, desservant, par leurs concurrence, l’économie tunisienne.

4 - Le développement de l’endettement et du déficit budgétaire : La loi des finances de 2020, objet de la discussion parlementaire, annonce une baisse du déficit budgétaire (de l’ordre de 11 milliards). Mais l’étude de cette loi occulte l’endettement de l’Etat au prés des entreprises tunisiennes. Prés de 600 milliards, ce qui atteste l’ampleur du déficit. Les surtaxassions et la chute du dinar, en conséquence,  ne sont pas de nature à ménager le pouvoir d’achat des citoyens. Outre les effets sur le panier de la ménagère. L’endettement crée les conditions d’une dépendance économique et aliène la souveraineté nationale, à plus ou moins brève échéance. Cette situation aura vraisemblablement un impact sur les négociations avec le FMI.

5 – La poursuite des nominations par le gouvernement sortant. Continuant la gestion des affaires, le gouvernement multiplie les destitutions et les nominations des hauts cadres de l’administration. S’agissait-il de distribuer des privilèges à des proches ou de punir ceux qui ne font pas partie de sa caste ? Ce qu’a cru comprendre la direction du parti Nahdha, qui vient de lui demander de mettre fin à ces initiatives et à réviser ces ultimes nominations (réunion de la choura, du 2 décembre 2019).

6 – le drame d’Amdoun : Les responsabilités ne sont pas établies : Excès de vitesse, état du bus, déficience de l’infrastructure,  mauvais état de la route etc. La mort de 29 jeunes participants à l’excursion, le 1er décembre  suscita la colère générale, que la démission du gouverneur de Béja, non responsable de l’état des routes, ne pouvait apaiser. 

Belotte et rebelote : Le chef du gouvernement désigné semble préoccupé par l’intégration des principaux partis  à son équipe. Or, le choix de dirigeants de partis ne peut s’accommoder de la formation d’un gouvernement de compétences.  Nous remarquons d’ailleurs que le chef du gouvernement désigné a exclu de ses entretiens l’élite culturelle et économique. Transgressant la donne constitutionnelle, il a occulté les personnalités féminines, à une exception prés, celle de l’union des femmes. D’autre part, le programme proposé, ne dépasse pas les effets d’annonce et les principes généraux. Or, la rue attend la satisfaction de ses attentes. Elle demande une relève politique, mettant fin à la gestion des précédents gouvernements et des principaux acteurs politiques, qui ont opté pour le laisser faire, sans vision d’avenir et sans programmes. Le gouvernement est désormais,  sous le contrôle de la population, qui affirme ses exigences : redressement économique, lutte contre la faim, condamnation de la corruption. D’ailleurs, l’entrée sur scène de la jeunesse a sanctionné la classe politique, lors des élections présidentielles. Elle met à l’épreuve les coalitions parlementaires et le pouvoir qu’elle établit. Le gouvernement pouvait-il ignorer les slogans de campagne, occulter les attentes des citoyens et mettre en question  les luttes pour les charges gouvernementales. De par sa structure, sa composition et les cv de ses membres, le gouvernement nouveau sera mis à rude épreuve. Il doit répondre à des situations d’urgence, faire face à des défis. Or, “c'est pendant l'orage qu'on connaît le pilote”.


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