Pr. Khalifa Chater
L'économiste maghrébin, du 26 décembre 2019, au 8 janvier 2020
Alors que la Tunisie est dans le brouillard. Les difficultés de former le gouvernement ont affectés la classe politique. Pourrait-elle bénéficier de la stabilité, alors que son voisinage vit une situation paradoxale. En Lybie, la guerre se perpétue. Elle est affectée par le jeu des acteurs régionaux et internationaux.
L’impasse algérienne ? L’Algérie semble être dans l’impasse, en dépit de l’élection d’un nouveau président le 12 décembre, mais la rue poursuit son harak protestataire, remettant en question de la légitimité du nouveau pouvoir. En effet, les manifestants demandent le départ des hommes de l’ancien régime et contestent le président élu. Défendant la continuité, l’armée soutient le nouveau président et souhaite éviter un changement fondamental du régime. Des opposants affirment que le nouveau président est l’otage de l’armée, alors que la classe politique est favorable à un régime de compromis, entre la présidence et l’armée. D’ailleurs, l’armée a toujours joué un rôle déterminant dans la succession présidentielle depuis la présidence. C’est elle qui a porté Ahmed Ben Bella au pouvoir mais a conservé depuis lors son statut d’organe de gouvernement, dans l’undeground et la vie publique. De ce fait, l’armée assure la lutte contre le terrorisme. Ce qui confirme l’alliance de fait tuniso-algérienne, vu le danger commun.
Le défi de la politique turque, en Lybie : La signature, le 27 novembre 2019, d’un protocole "de coopération militaire et sécuritaire" entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le chef du Gouvernement libyen d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, lors d’une rencontre à Istanbul, affecte l’ordre libyen et maghrébin. Certes, les clauses n’ont pas été révélées. Mais il assure le soutien politique et militaire turc, aux autorités de Tripoli, proche des islamistes. Le président Erdogan reconnait, d’ailleurs, l’aide turque apportée à Fayez al-Sarraj et sa volonté de rééquilibrer la situation face aux forces de Khalifa Haftar, établis à l’est. Cette accord affecte la guerre civile libyenne et entrave la quete d’un accord qu’engage les riverains. D’autre part, Il confirme et développe la réactivation de la politique ottomane, au Maghreb et au Moyen-Orient.
D’autre part, cet accord permettra à Ankara d'augmenter de 30% la superficie de son plateau continental et pourrait empêcher la Grèce de signer un accord de délimitation maritime avec l'Egypte et Chypre, ce qui renforcerait considérablement l'influence de la Turquie dans l'exploitation des hydrocarbures en Méditerranée orientale.
La confirmation des jeux de rôle étrangers en Lybie : L’accord entre le pouvoir établi en Tripolitaie suscita l’inquiétude en Gréce et en Egypte. La réaction d’Athènes a été véhémente. Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsokakis a indiqué, dès le 1er décembre, qu’il demanderait le soutien de l’OTAN face à l’accord turco-libyen lors du sommet de l’Alliance qui s’est ouvert le 3 près de Londres en présence du président turc. Le ministre grec des Affaires étrangères a, d’autre part, expulsé l’ambassadrice libyenne à Athènes, qui n’a pas pu répondre à la demande grecque de révèler le contenu de l’accord.
D’autre part, l’accord suscita l’inquiétude de l’Union Européenne, qui demanda, des éclaircissements sur le contenu du mémorandum d’accord sur la définition des zones d’influence maritimes. L’Union européenne a souligné la nécessité de respecter le droit maritime international et les relations de bon voisinage, et a réaffirmé sa totale solidarité avec la Grèce et l’administration de la République de Chypre concernant l’évolution de la situation en Méditerranée orientale (déclaration du Bureau du Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell. Le 4 décembre). En réponse, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré samedi, 7 décembre, que l'accord de délimitation des frontières maritimes signé avec la Libye a été envoyé aux Nations Unies pour enregistrement.
Vu l’hostilité d’Erdogan, au président Sissi, l’Egypte craint le developpement de cette alliance turque avec un pays riverain. D’autre part, ses analystes estiment que l’accord permettrait d’établir des bases turques en Egypte et confirmerait le stratégie de chantage d’Ankara. D’autre part, la Turquie peut utiliser, dans de telles circonstances, des services spéciaux, sinon des mercenaires, comme des “go-between”, des intermédiaires. Il restait tous les impondérables, dont chacun pouvait déclencher une catastrophe. Il affecte d’ailleurs l’enjeu panarabe, que défend l’Egypte.
Fait évident, l’accord entre la Turquie et la Libye changera les équilibres en Méditerranée orientale. En tout cas, l’accord institue la guerre froide, dans la région. Mais comment interpréter le silence des pays maghrébins ?
Craignant un afflux de forces combattantes lybiennes, la Tunisie a mobilisé ses troupes, à la frontière. Tout en affirmant ses prédispositions à accueillir les réfugiés, elle craint que le champ de guerre transgresse la frontière ou qu’il provoque un afflux de daéchiens, dans le pays.