Pr. Khalifa Chater
L'économiste maghrébin, du 22 janvier au 05 février 2020
Le Président Trump réactive le conflit des Etats-Unis avec l’Iran. Ces deux pays entretiennent des relations inamicales, depuis la chute du chah Muhammad Rizā Shāh Pahlevi et l’avènement au pouvoir de l'Ayatollah Khomeiny. La prise d’otages à l’ambassade des États-Unis à Téhéran, le 4 novembre 1979 marque un tournant décisif dans leurs relations. Plus de 400 étudiants islamiques ont pris d’assaut ce jour l’ambassade américaine dans la capitale iranienne. Cette crise majeure entre Téhéran et Washington a modifié de manière décisive les relations entre les deux pays et entretenu depuis lors une guerre de discours, entre les deux pays.
La reprise par l’Iran de son programme nucléaire, au cours des années 2000, qui a été l’objet d’une coopération entre l'État impérial d'Iran et les États-Unis, dans les années 1970, suscite l’opposition de l’occident. Les tensions, qui culminent sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, instaurent une conjoncture conflictuelle, animée par les USA. L’accord de Vienne signé entre les pays du groupe « P 5+1 » (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), le 14 juillet 2015, prévoit la levée progressives des sanctions qui pèsent sur l’Iran. En contrepartie, l’Iran s’engage à effectuer une réduction du nombre de ses centrifugeuses, à limiter ainsi sa production de plutonium et l’enrichissement d’uranium et à accepter le renforcement des inspections internationales. Au terme de cet accord, les relations étaient appelées à s’améliorer entre les USA et l’Iran. Or, le nouveau président annonça, le 6 mai 2018, que les États-Unis se retirent de cet accord. On revint à la case de départ, malgré les tentatives européennes de maintenir leurs relations avec l’Iran. Le président Donald Trump remet à l’ordre du jour les relations conflictuelles des USA avec l’Iran.
Le passage à l’acte : Les Etats-Unis avaient opté, depuis longtemps, pour une guerre indirecte, par l’entremise de leurs alliés des pays du Golf et essentiellement l’Arabie Saoudite et les Emirats. L’instrumentalisation de la démarcation sunnite et chiite, leur permit de transgresser la coexistence d’antan et d’instituer une conjoncture conflictuelle. La crise actuelle atteste une volonté de passage à la guerre directe.
La tension chronique, entre l'Iran et les Etats-Unis a connu un brusque accès le 3 janvier 2020. Le Pentagone a annoncé, en effet, avoir tué le général Ghassem Soleimani, homme fort de l’Iran en Irak. Ghassem Soleimani, fut tué par un drone américain à Bagdad, prés de l’aéroport. Cette mort intervient dans un contexte de montée des tensions entre Téhéran et Washington depuis l’investiture de Donald Trump. Le 8 janvier, Téhéran riposta : Dans la nuit, l’Iran a lance son «opération Martyr Soleimani » : en une demi-heure, 22 missiles sol-sol se sont abattus sur deux bases irakiennes, Aïn al-Assad (ouest) et Erbil (nord), où sont stationnés certains des 5 200 soldats américains déployés en Irak. La télévision d’État iranienne affirme que l’attaque a causé la mort de «80» Américains, ce que dément Donald Trump, selon lequel il n’y a aucune victime américaine. Redimensionnons l’événement, Téhéran aurait averti Washington, avant l’attaque, pour éviter mort d’hommes. Ce qui atteste que les ennemis se ménageaient.
Fait important, l’Irak a été le champ de bataille. Sous tutelle des Etats-Unis, depuis la guerre, l’Irak a désormais des relations privilégiées avec l’Iran, vu son gouvernement chiite. Son espace est mis à l’épreuve, par les interventions sur son espace. Vu l’atteinte à sa souveraineté, l’Irak demanda l’évacuation des troupes américaines. Demande refusé, les USA ne sont pas disposés à abandonner leur butin de guerre. Ce qui annonce d’éventuelles relations conflictuelles.
Désescalade : Après dix jours de haute tension entre l'Iran et les Etats-Unis, la perspective du pire pourrait commencer à s'éloigner : Les alliés des USA, l’Arabie Saoudite, les Emirats et Qatar craignent l’escalade. Aucun d’entre eux, ne semble disposer à prêter son territoire pour une attaque contre l'Iran, car personne ne tient à être entraîné dans une guerre. Qatar qui entretient certes de bons rapports de voisinage avec l’Iran est partie prenante, dans cette situation, puisqu’elle abrite la base Al-Udeid de l'armée de l'air américaine, la plus grande base militaire des États-Unis au Proche-Orient. 13.000 soldats y sont déployés et participent à des opérations dans l'ensemble de la région. D’autre part, un accord a été signé entre les militaires qataris et états-uniens sur un mode d’action standard pour les forces de l’Otan au Qatar. Mais Doha ne souhaite pas être entraîné dans une guerre. D’ailleurs, Doha a déjà dit à Téhéran et Washington qu'il n'était pas question d'utiliser son territoire contre l'Iran. Fait évident, la guerre pouvait perturber l'équilibre actuel et la situation dans la région, ce dont les Qataris, qui en sont conscients, le craignent.
Faisant valoir sa pseudo neutralité, l’émir du Qatar, Sheikh Tamim bin Hamad al-Thani, a rendu visite, au President Hassan Rouhani, 12 janvier. Ses entretiens avec le président iranien avaient pout objectif d’engager une dé-escalade. Suite à sa rencontre avec le président iranien Hassan Rohani, l’émir du Qatar a déclaré : "Nous sommes convenus avec Rohani que la seule solution à (la) crise passe par la désescalade et le dialogue", a dit l'émir. "Le dialogue est la seule solution à cette crise."Vu les rapports privilégiés entre Qatar et les USA, cette initiative atteste le souhait américain d’éviter un engagement militaire, d’ailleurs vivement critiqué par le sénat. On relève d’ailleurs, des déclarations en provenance de Washington. Même si le président américain Donald Trump a maintenu dimanche la pression avec une nouvelle mise en garde à l'Iran contre une répression de manifestations, son ministre de la Défense a assuré qu'il était prêt à discuter avec les dirigeants iraniens. D’ailleurs, le chef du Pentagone Mark Esper a assuré que Donald Trump était toujours prêt à discuter avec l'Iran "sans condition préalable". Les Etats-Unis sont prêts à évoquer "une nouvelle voie, une série de mesures qui feraient de l'Iran un pays plus normal". En dépit de ces déclarations apaisantes, la situation reste explosive au Moyen-Orient.