Pr. Khalifa Chater

 

La classe politique qui semble s’accommoder du blocage du pouvoir exécutif, l’explique volontiers par les mécanismes institutionnels de la constitution.   Ce qui les incite à réclamer un changement du régime politique. Est-ce à dire que le régime parlementaire serait le souffre-douleur ? est-il responsable de nos maux ? Fallait-il prévoir un retour au régime présidentiel ?  Les analystes n’expliquent pas les dérives tunisiennes par le choix du régime ? Sur d’autres cieux, les régimes présidentiels et parlementaires ont fait leurs preuves.  Expliquons plutôt de blocage par l’état des rapports de forces et le jeu politique des protagonistes. Peut-on espérer, à plus ou moins brève échéance un déblocage, qui permettrait aux deux pôles de l’exécutif d’exercer leurs prérogatives, de traiter les défis de la situation et de mettre fin à cette querelle des Egos. D’ailleurs, les négociations avec le FMI ont fait valoir la nécessité de collaboration du président de la république et du chef du gouvernement.

De fait, la rencontre du Président de la république, le 26 mai, avec le chef du gouvernement et le ministre de la défense, atteste sa volonté de rétablir ses relations avec le gouvernement et de mettre fin au blocage institutionnel. Mais le conflit avec le président du parlement et du parti Nahdha perdure. Il y a plus de 25 affaires de corruption, de contrebande, de drogue et d’autres qui trainent à l’ARP, dit le président. Les personnes impliquées ne sont pas inquiétées. Elles sont là. Ces gens ne sont pas mieux lotis que le commun des citoyens. Les milieux proches du président de parlement démentent. Qu’en est-il au juste ? Fait évident, l'irresponsabilité concerne les actes commis dans l'exercice de la fonction parlementaire et non détachables de cette fonction : votes, paroles émises dans le cadre des débats parlementaires, rapports parlementaires, discussions en commissions, etc. En vertu de cette irresponsabilité, le parlementaire ne peut pas être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes qu'il émet dans l'exercice de ses fonctions parlementaires. Cette irresponsabilité est également appelée immunité fonctionnelle ou immunité de fond. Or, les délits des parlementaires en question ne relèvent pas de leurs activités parlementaires et ne nécessitent pas de lever l’immunité.

Fait grave, le décalage entre la gestion gouvernementale et les attentes des citoyens. Les augmentations récentes du sucre, du lait, du pétrole, qui affaiblissent le pouvoir d’achat, ne sont pas de nature à réconcilier l’opinion publique avec les acteurs politiques, qui “regardent leurs nombrils”, selon l’un de leurs adversaires. Autre opinion que je cite, - fut-elle excessive ! – d’un membre de la moyenne bourgeoisie, dont le repli est évident : “Nous disposons certes de la liberté publique, mais nous sommes prisonniers de notre quotidien”. L’annonce d’un retour à la colonisation agricole a été dénoncé et de fait stoppé, faisant valoir la politique d’évacuation des terres coloniales, par le président Bourguiba. La trêve annoncée, entre les deux dirigeants de l’exécutif pourrait-elle inaugurer une meilleure gestion des affaires ? Observateur averti, le regretté Hichem jait déclarait dans une interview à la presse le 23 mars 2021 “Il faut fermer les parenthèses de la révolution, stabiliser le pays, changement de la révolution en gouvernement, mieux éduquer les citoyens et s’armer d’une part d’imagination”.

N.B. : Recevant le 11 juin 2021, le chef du gouvernement Hichem Mechichi et la ministre de la Justice par intérim, Hasna Ben Slimane, le président de la République, Kais Saïed leur adressé un rappel à l’ordre, confirmant sa critique de l’occultation de l’immunité de certains députés et dénonçant le sit ing au tribunal, en faveur d’un détenu. Il leur a demandé d’assumer leurs responsabilités.