Pr. Khalifa Chater

 

"Celui qui ne regrette pas l'URSS n'a pas de cœur. Celui qui la regrette n'a pas d’intelligence".

Comment interpréter cette phrase ambigüe de Vladimir Poutine ? Comment pouvait-elle expliquer la prise de position du président russe contre l’Ukraine ? Passage des paroles aux actes ?  Une velléité d’intégrer ce pays, dans le cadre d’une restauration de l’URSS ou une recherche d’une nouvelle forme de domination ?

Cet épisode met en lumière la situation paradoxale de l’Ukraine : tour à tour périphérie de l'Europe occidentale ou glacis de la Russie.  Ce vaste territoire (603.000 km2) a toujours été tiraillé entre de puissants voisins (Pologne, grand-duché de Lituanie, Russie).

Les opérations sur le terrain ? Engagée depuis le 24 mars, la conquête de l’Ukraine se poursuit.  Les offensives viennent de l’Est, de l’ouest et du nord et dessinent les lignes de fronts. Les colonnes russes avancent très lentement, vu la résistance acharnée des Ukrainiens. D’autre part, les forces russes continuent leur "opération offensive" pour encercler la capitale ukrainienne, Kiev. Elles bombardent ses banlieues. Les chars russes sont à quelques kilomètres des portes de Kiev dont la population se barricade. Sa chute aura lieu, à plus ou moins brève échéance. Mais les observateurs estiment que son attaque n’est pas imminente.  En tout cas, la survie du régime est en jeu.

Perspectives d’avenir ?  Quel est le pari de Vladimir Poutine ? Une "colonisation" de fait. Cela semble exclu, depuis la décolonisation à la fin du XIXe siècle ?  Nous partageons les vues de l’historien Jean-Jacques Marie, qui affirme que « tout impérialisme suppose une économie dynamique désireuse de conquérir des marchés par tous les moyens, de la guerre commerciale à la guerre tout court, et un État fort". Or la Russie, minée par la corruption, n'a créé aucune nouvelle richesse depuis les années 2000 (La Russie sous Poutine, Payot, 2016).

Vladimir Poutine envisage-t-il un fractionnement de l’Ukraine, par l’indépendance du L’auteur tente d’étudier les perspectives d’avenir de la guere de l’Ukraine. Jusqu’où ira Vladimir Poutine ?

et des régions russophones ? Depuis une vingtaine d’années, Vladimir Poutine mène une guerre des esprits qui a préparé celle des armes, dans cet ancien bastion sidérurgique et minier de l’est de l’Ukraine. Les Russophones d’Ukraine, menacés de "génocide " affirme-t-il. Un pays tout entier, sous le joug du « nazisme ». Le matraquage du Kremlin est repris en boucle par les télévisions russes, justifiant l’invasion de leur voisin, La reconnaissance de l’indépendance du Donbass affaiblirait l’Ukraine.

Autre objectif de Vladimir Poutine une démilitarisation de l’Ukraine ou du moins sa neutralité.  Cette solution est d’ailleurs préconisée par le sociologue Edgar Morin qui affirme : "Vu sa position géographique, le seul compromis acceptable serait la neutralité de l’Ukraine, sur le modèle suisse".  Elle pourrait suivre l’exemple de la Finlande, autre pays voisin de la Russie, qui fait partie de l’Union Européenne et non de l’Otan.

Position du candidat à la présidentielle française, Nicolas Dupont-Aignan, le fondateur de Debout, la France, "le camp des Occidentaux a tort de chercher à isoler le géant russe. Le seul avenir de l’Europe, pour peser dans le monde demain, passe obligatoirement par une coopération avec la Russie. Sinon l’Europe est hémiplégique. Poutine passera, la Russie va rester", a expliqué le député au micro de « Bonjour chez vous ! », la matinale de Public Sénat. Pour Nicolas Dupont-Aignan, le règlement de la crise devra passer par le respect du protocole de Minsk signé en 2014. " Pour moi, dit-il, au-delà des sanctions qui nous retombent sur la figure, je pense qu’il faut proposer un vrai statut pour l’Ukraine, dans le cadre d’une conférence pour la sécurité en Europe : sa neutralité absolue – dire qu’il n’y aura jamais l’Otan en Ukraine -, et un statut d’autonomie constitutionnelle pour le Donbass », soutient-il.

D’ailleurs, l’Otan ne prévoit pas l’intégration de l’Ukraine. L’Union européenne, elle-même, Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, réunis en sommet à Versailles, pour élaborer les réponses économiques et militaires au choc de l'invasion russe. Ont exclu jeudi 10 mars, toute adhésion rapide de l'Ukraine à l'Union européenne, tout en ouvrant la porte à des liens plus étroits :   "Sans tarder, nous renforcerons encore nos liens et approfondirons notre partenariat afin de soutenir l'Ukraine dans la poursuite de son parcours européen. L'Ukraine fait partie de notre famille européenne", ont finalement proclamé les dirigeants dans une déclaration écrite. L’Union européenne affirme, bel et bien, qu’elle n’intègre pas un pays en guerre. 

En tout cas, l’avenir de l’Ukraine reste incertain. De fait, elle ne bénéficie d’aucun appui militaire, contre l’occupation.  Se trouvant dans la même situation, le Koweït a été libéré de l’occupation de l’Irak, par une intervention militaire étrangère internationale. Mais l’Ukraine ne dispose pas de l’atout pétrolier.