Pr. Khalifa Chater
‘‘La souveraineté est la qualité de l'État de n'être obligé ou déterminé que par sa propre volonté, dans les limites du principe supérieur du droit, et conformément au but collectif qu'il est appelé à réaliser’’ (Louis Le Fur, État fédéral et confédération d'états, 1896 p. 443).
C’est le pouvoir politique suprême dont jouit l'État. Certes, vu les mutations actuelles, aucun Etat, dans notre ère d’interdépendance, ne dispose de l'exclusivité de sa compétence et ne détient son indépendance absolue, étant limité par ses propres engagements (souveraineté externe).
Ainsi définis la souveraineté et ses limites usuelles, peut-on affirmer que l’Etat tunisien dispose de la plénitude des compétences nationales et internationales, dans l’ère d’interdépendance ?
L’intervention de l’étranger a été évoquée par le comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, lors de leur conférence de presse, mercredi 9 février. Présentant de nouveaux éléments de l’affaire, ils ont accusé le président de Nahdha d’intelligence avec un pays étranger. Cette même accusation a été réitérée, par le président de la république le 9 février 2022. D’autre part, le président a cru devoir répondre à la déclaration des ambassadeurs du G7 en Tunisie ainsi que la représentante du bureau du Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme (HCDH), qui ont exprimé, le 8 février leurs préoccupations, à la suite de l’annonce de la volonté du président de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature, dont la mission est d’assurer le bon fonctionnement du système judiciaire et le respect de son indépendance. Protestation du président qui déclara : ‘‘Nous sommes un Etat souverain, nous sommes conscients des équilibres internationaux et nous connaissons mieux qu’eux les accords et les conventions internationales. Nous sommes engagés aux principes de la liberté, de la démocratie et de la justice. Pourquoi donc cette préoccupation ? La Tunisie n’est ni une ferme, ni un pré. Ils sont parfaitement au courant de tous les dépassements, des assassinats et du détournement des biens publics… Ils veulent nous placer au rang d’élèves et continuer dans leurs classifications. Ils se mettent dans la position des enseignants qui notent leurs élèves avec Très bien, bien etc. Non, nous ne sommes pas des élèves’’ (déclaration du 9 février). Affirmation de la souveraineté et condamnation officielle des interventions étrangères. Qu’en est-il au juste ?
La bipolarité instituée, depuis ‘‘la révolution’’, a mis à l’ordre du jour des alliances contraires : Dans le cadre de l’islam politique, Nahdha se rapprocha du Qatar et de Turquie. Cette alliance domina sous la troïka et se poursuivit jusqu’à nos jours. Des subventions importantes auraient été accordées au parti Nahdha, par Qatar, directement ou par l’intermédiaire d’associations ‘‘caritatives’’. Ainsi l’islam politique de Tunisie s’engagea contre le régime syrien, aurait encouragé l’envoi de militants, pour participer à la guerre en Syrie, a soutenu la mouvance islamique en Tripolitaine. Les dirigeants de Nahdha adoptèrent la politique étrangère de leurs compagnons de route. Dans ce cadre ils défendirent l’installation du relai de Qardhaoui, enseignant le takfirisme, en Tunisie. D’autre part, les islamistes multipliaient leurs interventions auprès des USA et des gouvernements européens pour dénoncer le processus du 25 juillet. En somme, c’est l’appel intérieur qui explique les velléités d’interventions étrangères.
Le parti destourien et les forces démocrates dénoncent cette alliance qu’ils estiment ‘‘néfastes’’ et affirment l’indépendance nationale. Ce qui n’exclut pas leurs relations cordiales avec les Emirats, l’Arabie Saoudite et leurs dialogues avec l’Algérie et l’Egypte, également hostiles à l’islam politique. Ils affirment leur politique de ‘‘salut’’, souhaitant corriger le tir et proposant de mettre fin à la dérive.