Pr. Khalifa Chater

 

"Mais qu'est-ce que l'Ukraine ? Même pas un Etat ! Une partie de son territoire, c'est l'Europe centrale, l'autre partie, la plus importante, c'est nous qui la lui avons donnée !" (Vladimir Poutine in les colonnes du quotidien Kommersant, lien en russe, 2008).

Cette non-reconnaissance formelle de l’Ukraine, par le président Poutine, annonce les rapports conflictuels et explique le déclanchement de l’invasion russe, quatorze ans plus tard.  En l’an 2004, le candidat soutenu par Moscou, le Premier ministre Viktor Ianoukovitch prend le pouvoir. Le camp pro-occidental est dans la rue pour dénoncer des fraudes qui auraient entaché sa victoire. Cette révolution orange mobilise plus d'un demi-million de manifestants à Kiev et à travers le pays pendant une quinzaine de jours. Ces protestations qui prennent rapidement de l'ampleur, auraient été soutenus par des nombreux gouvernements occidentaux, dont celui des États-Unis et auraient bénéficié de financements d'organisations américaines.[1]Après une période de paix civile, se déclenche le mouvement, Euromaïdan, qui définit les manifestations pro-européennes en Ukraine. Elles ont débuté le 21 novembre 2013 à la suite de la décision du gouvernement ukrainien de ne pas signer un accord d'association avec l'Union européenne au profit d'un accord avec la Russie[2]. Ce mouvement a débouché le 22 février 2014 sur la révolution de février et la fuite puis la destitution du président pro-russe Viktor Ianoukovytch, remplacé par Oleksandr Tourtchynov, Ce mouvement s'inscrit dans le contexte des rivalités entre les partisans de l’alliance avec la Russie et les partisans d’un rapprochement avec l’Union Européenne et l’Otan.

L’entrés en guerre de la Russie : Tôt ce jeudi 24 février, le président russe a annoncé la guerre contre l’Ukraine :  ll s’agit d’une invasion de grande ampleur avec des frappes aériennes et une pénétration de forces terrestres y compris en direction de la capitale Kiev. Prétexte évoqué, la défense les séparatistes de l'Est du pays. Poutine a en outre dénoncé un "génocide" orchestré par l'Ukraine dans l'est du pays, arguant de l'appel à l'aide des séparatistes annoncé dans la nuit et de la politique agressive de l'Otan à l'égard de la Russie et dont l'Ukraine serait l'outil.

La Russie a une approche historique et sentimentales avec l’Ukraine puisqu’elle était une des composantes de l’URSS. Elle voit de mauvais œil, ses accords avec l’Union Européenne et sa volonté d’intégrer l’Otan. Les Russes rappellent que lors du traité de Berlin de 1990 la non extension à l’Est de l’Otan a gagé la réunification allemande, que les révolutions orange furent des actes hostiles, que l’Ukraine n’a pas honoré ses engagements de l’accord de Minsk en 2015. Washington réplique, contestant la position russe. D’autre part, Moscou craint un encerclement de la Russie par les forces de l’Otan.  

Jusqu’où ira la Russie ?  Souhaiterait-elle réaliser une partition du pays ? Voulait-elle soumettre l’Ukraine, sinon l’occuper ? A-t-elle l’intention de remplacer son actuel président, par un proche idéologique. L’Europe estime que son unité, sa sécurité et sa stabilité sont mises en jeu.  Les USA inscrivent ce bouleversement de l’Europe, dans leur duel historique d’antan.

Positions de l’Occident :

"Cette agression n'est pas seulement une attaque contre l'Ukraine. C'est une attaque contre la démocratie, contre la liberté en Europe de l'Est, et dans le monde entier", (Boris Johnson, 24 février).

Réaction de. L’Union Européenne.  Réunie en sommet à Bruxelles, elle a approuvé jeudi 24 février dans la soirée, des sanctions "massives" contre la Russie. "Les dirigeants russes devront faire face à un isolement sans précédent", a promis la présidente de la Commission européenne, l'Allemande Ursula von der Leyen. Les Vingt-Sept veulent punir le régime du président Vladimir Poutine avec des sanctions financières. Il s'agit notamment de limiter drastiquement l'accès de la Russie aux marchés de capitaux européens, entravant la capacité de Moscou d'y refinancer sa dette. L'UE va aussi réduire l'accès de la Russie à des "technologies cruciales", en la privant de composants électroniques et de logiciels, de façon à "pénaliser gravement tous les pans de l'économie russe", d'après Ursula von der Leyen.

Position similaire des USA : Le président Joe Biden a  défendu un arsenal de sanctions mises au point par les Etats-Unis visant à porter un coup terrible à la finance comme à l'économie russe. Ces représailles économiques et financières "dépassent tout ce qui n’a jamais été fait", a soutenu le président américain lors d'une allocution télévisée. Les Etats-Unis et l’UE n'ont toutefois pas exclu la Russie du réseau interbancaire Swift, un rouage essentiel de la finance mondiale. De son côté, la France va accélérer le déploiement dans le cadre de l'Otan de soldats en Roumanie, pays frontalier de l'Ukraine, a annoncé le président Emmanuel Macron à l'issue du sommet exceptionnel de l'UE. Il a également jugé utile de "laisser ouvert le chemin" du dialogue avec Moscou pour obtenir un arrêt de son offensive. Réaction de l’Otan, il renforce sa défense en Europe. L’Otan a mis en alerte la force de réaction rapide de l’Otan, composée de 40.000 soldats. Néanmoins, les USA et l’Otan excluent une réaction militaire.

Face à cette unanimité, la Chine affirme qu’elle "comprend les préoccupations raisonnables de la Russie en matière de sécurité", a déclaré jeudi 24 février le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, à son homologue russe Sergueï Lavrov. La guerre d’Ukraine restitue la bipolarité géopolitique internationale et bien entendu réanime la guerre froide.

Conclusion ;

"Je suis très préoccupée par ce qui se passe en Ukraine et, avant tout, par les conséquences pour des gens innocents. Cela ajoute un important risque économique pour la région et le monde. Nous évaluons les implications et nous nous tenons prêts à soutenir nos membres au besoin" (Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI, 24 février).

 Diagnostic pertinent de la patronne du Fonds monétaire international dans un tweet, la guerre d’Ukraine est un important risque économique dans le monde. Dans la foulée de l'avancée des troupes russes, les marchés mondiaux naviguaient en pleine tempête, avec chute des Bourses et flambée des matières premières.  Ne perdons pas de vue que la Russie est le troisième producteur mondial de pétrole et le premier producteur de gaz. Donc les prix vont monter, c'est très probable, d'autant que déjà, traditionnellement, le baromètre de la peur, c'est le prix du pétrole. On est à 102 dollars, dès le 24 février, au plus haut depuis 2014 et les experts disent qu'il est désormais vraisemblable qu'on monte à 125 dollars le baril. Même chose, pour le gaz : Il est peu probable que la Russie coupe le gaz à l'Europe. Mais ce qui est possible, c'est que le gazoduc qui traverse l'Ukraine soit purement et simplement interrompu, soit qu'il soit endommagé, soit qu'il soit coupé, justement pour éviter son explosion dans une zone de combat. 

Sur le marché des céréales, là encore, la Russie est un très gros acteur, sur le blé notamment, tout comme l'Ukraine. Ce sont pratiquement les deux premiers producteurs mondiaux qui sont en guerre l'un avec l'autre. Donc, on peut avoir aussi une montée des prix.

Autre conséquence probable, c'est une inhibition de l'investissement au plan mondial, c'est-à-dire que les gens aient peur du coup, voyant la guerre se développer, de poursuivre leurs projets économiques ou d'en développer. Des conséquences sur la croissance mondiale sont possible pour 2022, rien qu'à cause de cette inhibition de l'investissement et le fait que finalement, ça perturbe tous les projets[3].

En conclusion, la guerre contre l’Ukraine a d’importantes conséquences sur l’économie du monde et sur le vécu de ses habitants.

 

[1] - « Les dessous de la révolution Orange » [archive], L'Express, 13 juin 2005. Il s'agit notamment de la Fondation Soros et de la Freedom House, une ONG dont les fonds proviennent majoritairement du Département d'État des États-Unis.

[2] - Sébastien Gobert, « L’Ukraine se dérobe à l’orbite européenne » [archive], Le Monde diplomatique, 1er décembre 2013 (consulté le 19 juin 2021).

[3] - ÉDITO - Guerre en Ukraine : gaz, pétrole, blé... Quelles conséquences économiques ? 25 février).