Pr. Khalifa Chater

L'économiste maghrébin, du 29 juillet au 12 aout 2020

 

La gouvernance désigne la manière dont un gouvernement exerce son autorité économique, politique et administrative et gère les ressources d'un pays en vue de son développement. Elle a "pour but de fournir l'orientation stratégique, de s'assurer que les objectifs sont atteints, que les risques sont gérés comme il faut et que les ressources sont utilisées dans un esprit responsable". La révolution tunisienne avait comme objectif d’assurer une meilleure gouvernance, au service des citoyens, leur assurant la liberté, la dignité et l’amélioration de leurs niveaux de vie. Elle constitua un défi, pour tous les gouvernements qui se sont succédé. Fait évident, la bipolarité idéologique, les guerres entre partis et la compétition pour les charges ministérielles ont remis en cause la priorité du développement. L’endettement de  l’Etat, le développement du chômage, la baisse du niveau de vie et la baisse du pouvoir d’achat ont été aggravés par l’inflation et la chute du dinar. La pandémie accrut le chômage et bloqua les moyens d’intervention de l’Etat, au service de la société. Une décroissance de moins de 7 % devait annihiler toutes possibilités de redressement.

La démission du chef de gouvernement Elias Fakhfakh, fragilisé par un conflit d’intérêts évident, devait mettre à l’ordre du jour une nouvelle donne. Son gouvernement fut certes préoccupé par le traitement des conséquences de la pandémie. Mais, dés sa prise du pouvoir, il a occulté le traitement des questions socio-économiques, qu’il aurait dû promouvoir. Comptable plutôt qu’économiste, il n’avait pas de vision d’avenir. La Tunisie est désormais à la recherche d’un chef de gouvernement. Les partis avancent des candidatures, de leurs seins, de leurs hiérarchies, faisant valoir les rapports de forces, alors que le défi socio-économique exige un économiste confirmé, ayant fait ses preuves.

L’équation politique est perturbée par le conflit entre les dirigeants : Nahdha prépare une motion parlementaire, pour licencier Elyes Fakhfakh, déjà démissionnaire alors qu’un certain nombre de députés demandent l’écartement de la présidence du parlement du président de Nahdha. Des guerres parlementaires théâtralisées, avec leurs auteurs, leurs acteurs et leurs souffleurs, assurant publiquement des discours de langue de bois ou des surenchères. Ne traitant pas les priorités des citoyens, les conditions de leurs quotidiens, les députés et leurs partis perdent leurs légitimités.

Arbitre de la situation, le président de la république, plus à l’écoute des revendications populaires, les rappellent régulièrement. Il estime qu’il faut rectifier le tir.  Pourrait-il imposer son slogan-programme "le peuple veut" ?  Pourrait-il faire valoir sa médiation entre le peuple et la classe politique ? Comment interpréter "le non-dit" de ces discours, les allusions non explicites "aux ennemis de l’intérieur et de l’extérieur". C’est à lui que revient le mot final, lors du choix du chef du gouvernement, après la présentation de candidats par les partis. Lourde responsabilité. Autrement, en l’absence de consensus, la dissolution du parlement et l’organisation de nouvelle élections changeraient la donne, mais reporterait le traitement de la crise économique.