Tunisie, la crise du Nida : Depuis son triomphe en 2014, Nida Tounes subit des fragmatations et des scissions. Son premier congrés, certes tardif, se proposait de réaliser sa reconstruction. Au-delà des turbulences des principaux acteurs, suite aux repositionnements des principaux membres de sa direction autoproclamée, Nida Tounes a effectué un virage important. La demande du président de la république, son président fondateur, d’intégrer le chef du gouvernement Youssef Chahed, semblait destinée à instaurer un environnement favorable, à la coopération des forces centrales et   à l’établissement d’un partenariat effectif, contre Nahdha, lors des prochaines élections. Des politiciens définissaient l’initiative de Béji Caïd Essebsi, comme simple manœuvre. Nous ne partageons point ce point de vue, estimant qu’elle traduit un diagnostic sévère, qu’il souhaite démentir.

Le blocage de l’élection du bureau politique, par des membres de la direction autoproclamée du Nida, non satisfaits des résultats du congrès, mettrait en échec la feuille de route, esquissée par Béji Caid Essebsi. Il annihilerait le redressement de Nida et précipiterait son déclin. Vu la pesanteur de l’alliance de Tahya Tounes avec Nahdha, le parti destourien, qui connait une montée spectaculaire, s’érigerait en porte-parole de la mouvance démocratique et de le la famille centrale, lors des prochaines élections.

Algérie : Prenant acte de la contestation populaire et vraisemblablement sous la contrainte de l’armée, le président Bouteflika démissionna le 2 avril.  Aussitôt, les députés votèrent, la constatation de la vacance du poste de président de la République et l’intronisation du président du parlement Abdelkader Ben Salah, comme président par intérim, pour une période de trois mois maximum. Avec l’installation au pouvoir, mardi 9 avril d’Abdelkader Bensalah, 77 ans, l’Algérie connaît le début d’une transition «légale». Mais le harak populaire continue. Il demande un changement du régime et le départ du président par intérim et du chef du gouvernement, qui faisaient partie de l’équipe Bouteflika.

On distingue trois positions :

  • - Celle de ceux qui acceptent le compromis préconisé par l’armée. Ils craignent un saut dans l’inconnu. Le chef d’Etat-major de l’armée demande d’ailleurs à la population de “s’armer de patience, en attendant la satisfaction de ses demandes’’.
  • Ceux qui acceptent le fait accompli et demandent plutôt de veiller à l’organisation d’élections transparentes,
  • Ceux qui rejettent le système, estimant que la succession en application de l’article 102 n’est pas valable, dans le cas du harak, une révolution et qu’il faut transgresser l’application littérale de la constitution. Luisa Hanoun, secrétaire générale du parti des travailleurs estime que le nouveau régime “confisque la volonté populaire ’’et demande l’élection d’une assemblée constituante.

Où va donc l’Algérie ? Quel rôle jouerait l’armée ? Comment se comporterait l’Algérie vis-vis de la géopolitique régionale et internationale ?

Libye : La communauté internationale s’est accommodée de la crise libyenne, affirmant ses vains espoirs de la voir réglée par le dialogue, sans vainqueurs ni vaincus. Réalisant que les négociations différent les solutions, le maréchal Khalifa Haftar a déclenché, jeudi 4 avril, une attaque-surprise sur Tripoli, remettant en cause  le processus des négociations engagées, sous l’auspice des nations unies.

Ne sous-estimons pas le jeu des acteurs étrangers. Les islamistes de Tripoli, qui soutiennent le gouvernement Faiez Essaraj, bénéficient de l’appui du Qatar et de la Turquie. Par contre, la mouvance Haftar bénéficie du soutien de l’Egypte, des Emirats et de la Russie. La réception du maréchal Haftar, par le souverain saoudien, 27 mars 2019, à Riyadh, aurait donné au maréchal, le feu vert. Saudi Press Agency (SPA), affirme, en effet, que le roi a réaffirmé  “l’intérêt que porte le royaume à la sécurité et à la stabilité en Libye, souhaitant au peuple libyen progrès et prospérité’’. L’opération bénéficia d’une “ couverture de la France et de la Russie’’(Journal Al-Arabi, 9 avril). D’ailleurs la Russie bloqua la motion du conseil de sécurité, qui se réfère à l’attaque de Tripoli, par le maréchal Haftar. Par contre, l’Italie était plutôt favorable au gouvernement Serraj. Les combats se déroulent actuellement dans les environs de la capitale. Mais la guerre risque d’être longue et meurtrière.

Conclusion : On s’est empressé  d’affirmer que les harak d’Algérie et du Soudan constituaient la deuxième vague du “printemps arabe’’. Dans les deux cas, la dynamique interne a été déterminante, annihilant toutes velléités d’interventions de la géopolitique arabe ou internationale.  D’ailleurs les différentes composantes de l’internationale islamiste ont été sérieusement affectées. En Libye, le maréchal Haftar s’opposait au gouvernement, qui bénéficie de l’appui de milices bien définies. Exhibé pour la circonstance, le dirigeant Querdhaoui a bel et bien condamné l’attaque de Tripoli. Prenant la leçon de la dizaine meurtrière qu’ils ont subie, les Algériens n’ont pas affirmé des tentations islamistes. Au Soudan, les manifestants réclamaient le départ d'Omar el-Béchir, dont le régime bénéficiait de l’appui de l’organisation des frères musulmans. Ne perdons pas de vue, la fin du pouvoir des frères musulmans en Egypte et la victoire de Bachard al-Assad en Syrie, contre Daech et les mouvances qui lui sont plus ou moins proches. L’échec du gouvernement turc, devant l’opposition des kemalistes et des   kurdes, dans les grandes municipalités turques est significatif. Un signe qui ne trompe pas. Cette mouvance qui a bénéficié du “printemps arabe’’ ne semble plus disposer d’un soutien international. Une nouvelle conjoncture arabe est désormais ouverte.