Pr. Khalifa Chater
l'Economiste maghrébin, 3-17 avril 2019
Le 30e sommet de la Ligue des Etats arabes, qui vient de clôturer ses travaux à Tunis, devait traiter les conditions arabes, dans une conjoncture tragique, exceptionnelle : aggravation de la situation palestinienne, effets désastreux du “printemps arabe’’, en Libye, en Syrie et au Yémen, marqués par une déstabilisation, une guerre civile et des velléités de remise en cause des Etats, défi du président Trump, qui transfert l’ambassade américaine à Jérusalem et affirme que le Golan syrien, relève de son occupant, remettant en cause la légitimité internationale, recrudescence des actes de terrorisme etc.
L’aire arabe restait, dans ce contexte, “un champ de mines’’, selon un observateur pessimiste. Riadh Sidaoui qualifie les sommets arabes de “festivités et de rencontres de courtoisie diplomatique, sans aucun résultat tangible”. Le sommet de Tunis peut-il constituer une exception ? Ce sommet de “la dernière chance’’ pourrait-il faire face aux défis et répondre aux attentes arabes. Serait-il en mesure de transgresser les slogans usuels et prendre les décisions appropriées, pour assurer le redressement d’une situation catastrophique ?
Fait évident, les prises de décision, par consensus, paralysent en réalité cette instance régionale, miroir de l’aire arabe et expression des rapports de forces dominants et des positionnements et des repositionnements, au service de la géopolitique internationale.
Un sommet rassembleur : On a noté la présence de 21 délégations arabes dont une majorité de leaders arabes tels que l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Arabie Saoudite, le Koweït, Qatar, l’Irak, le Liban, la Mauritanie ainsi que des pays au centre des grands débats actuels telles que la Libye, représentée par le président du gouvernement d’Union Nationale, Fayez El Sarraj, et l’Algérie représentée par le président du Parlement, Abdelkader Bensalah. La Tunisie affirmait sa volonté pragmatique de pacifier les relations entre les états arabes.
La présence du souverain saoudien et de l’émir di Qatar devait permettre de rapprocher les positions et de dissiper les malentendus. Mais le départ de l’émir du Qatar de la conférence, une trentaine de minutes après son arrivée, révélait que le traitement du conflit entre les pays du Golfe, ne pouvait pas être à l’ordre du jour. D’autre part, le rassemblement pouvait difficilement mettre fin à la bataille des axes dans l’aire arabe et à leurs stratégies conflictuelles. D’autre part, certains pays exprimaient leur volonté d’alliance contre l’Iran, dans le cadre de la guerre du Yémen et de la Syrie. Des différends – non exprimés publiquement - opposaient les pays arabes. Le Sommet ne pouvait que s’accommodait des relations différentielles des différents pays arabe, avec les puissances, la Turquie et l’Iran.
Remettre la Palestine sur les devants de la scène arabe : Effets du printemps arabe, affrontements entre Fatah et Hamas et désintéressement américain, du processus de paix, la question palestinienne a été, de fait, depuis un certain temps, reléguée au second plan. Le Sommet accorda à la Palestine une place centrale. Sous l’influence de la Tunisie, “le pays arabe qui prend probablement le plus à cœur la cause palestinienne” affirme un observateur. Dans ce cadre, le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, fut vivement critiqué. Mais peut-on sous-estimer les risques de tactiques de normalisation, contredisant la politique pro-palestinienne ?
La question syrienne : L’intégration de la Syrie, à l’instance arabe, ne fut pas l’objet d’une prise de décision par le sommet. La motion finale fait valoir l’intégrité et la souveraineté de la Syrie et dénonce les dérives terroristes. On remarque cependant que la majorité des pays arabes étaient favorables au retour de la Syrie à l’instance arabe. Mais l’exigence d’un consensus sembla différer cette décision.
Fait important, le 30e sommet de la Ligue arabe, affirma son rejet catégorique des pays arabes de la décision du président américain Donald Trump de reconnaître la souveraineté d'Israël sur le plateau du Golan. Une motion particulière dénonce l’initiative du président Trump, annonce la décision de mettre en échec cette décision et charge les ministres arabes des affaires étrangères d’agir auprès de la communauté internationale, pour faire valoir la nécessité de s’opposer à l’occupation du Golan syrien.
La question libyenne : Accord sur un règlement de la question libyenne, par le dialogue et condamnation de l’intervention étrangère. Fait important, en marge du 30ème sommet de la Ligue arabe à Tunis samedi 30 mars, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, António Guterres, le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, Ahmed Aboul Gheit, la haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini et le président de la commission de L’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, le président du Conseil présidentiel du gouvernement libyen d’entente nationale Fayez al-Sarraj et le représentant spécial, Chef de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), Ghassan Salamé, ont pris part à une réunion quadripartite sur la Libye.
Les relations avec l’Iran : La motion générale fait valoir le souci de fonder les relations arabes avec l’Iran, dans l’exigence d’une politique de non-intervention dans l’aire arabe. Elle prend à son compte la position de l’Arabie Saoudite et des Emirats, qui critiquent son soutien aux Houthis au Yémen et à leurs armements, qu’elle condamne.
Conclusion : Remarquons cependant, au de-là de la paralysie traditionnelle de la Ligue et de son confort énigmatique en conséquence, l’effet du message tunisien : Exigence de réformes de l’instance arabe, pour habiliter les prises de décisions, souhait de reconstruire l’unité par l’intégration de la Syrie, nécessite d’un développement de l’éducation et de la culture, mise à l’ordre du jour d’une vision d’avenir et transgression des nostalgies meurtrières. Cette voie de la raison populaire devait être entendue, à plus ou moins brève échéance.