Pr. Khalifa Chater

 

Comment définir le régime tunisien ? Du point de vue formel, les deux piliers de la démocratie (la souveraineté du peuple et le suffrage universel) sont assurés. Mais qu’en est-il dans les faits ? Comment définir la gestion gouvernementale ?

Le pouvoir exécutif est détenu par le président la république, qui a dissout le parlement, nommé un nouveau gouvernement et procédé à de nouvelles élections, en application de la nouvelle constitution, qu’il a rédigée et fait adopter. De fait, il exerce seul le pouvoir, dans le régime semi présidentiel, qu’il institué et établi.

Qu’il s’agisse de la présidence de la République, de la présidence du gouvernement ou encore des ministres, nous sommes face à un pouvoir muet, un pouvoir qui ne communique pas avec son peuple, un pouvoir qui ne communique pas avec les médias. Un pouvoir muet mais non silencieux. Vu son absence de communication, le pouvoir politique serait ‘‘pathologique’’.

La popularité du président est évidente :  mais les ministres ne sont guère connus. Reçus régulièrement par le président, ils appliquent ses directives. Il s’agirait de hauts fonctionnaires, mais sans assises politiques. Est-ce à dire que la Tunisie post révolution annihile l’action politique, dont elle était censée être porteuse ? Est-ce l’air du temps ?

Des partis existent sur scène. Mais elles jouent plutôt un rôle d’apparat. Certains observateurs parlent de ‘‘partis fantômes’’. Nahdha, le parti islamiste, est remis en question, suite à la décennie de crises de son gouvernement. Les formations gauchistes sont minoritaires. Seul le parti destourien semble sortir du lot. Mais isolé, il n’a pas pu annihiler le relai du parti de Qardhaoui, qui veut imposer le califat rétrograde, en Tunisie.

Les acteurs politiques sont certes présents ; mais ils n’ont pas d’ambitions politiques. L’élite aurait déserté la vie politique. Le jeu des médias a plutôt un caractère démonstratif. Malgré leurs taux d’écoutes, ils semblent prêcher dans le vide.

Disons plutôt que le populisme dominant a dégradé l’élite.  Peut-on parler d’un pouvoir des muets, puisque la population ne semble pas exercer du pouvoir ? Ultimes revendications, sa critique de la hausse de prix, du couffin de la ménagère et de sa prise en compte de la pénurie des denrées essentielles, telles le sucre, le lait, le café et l’huile. Mais ses vœux restent lettres mortes.

En réalité, le pouvoir a peu de moyens d’actions, vu la crise financière, la nécessité d’emprunt, la gravité des enjeux régionaux et l’interventionnisme, tous azimuts ? Ses demandes urgentes au FMI, sont restés sans suite. Pourrait-il occulter les exigences de l’institution financière mondiale ? Le pouvoir tunisien s’accommode des réalités. Le jeu démocratique s’inscrit nécessairement dans ce contexte.

Etat hypothéqué, d’une ‘‘démocratie illébérale‘’, selon la définition de Fereed Zarkane, puisque l’exécutif domine la scène ? Sous de telles apparences, nous pouvons parler d’une démocratie littérale ou formelle, qui s’accommode de cette situation.